mercredi 6 mai 2015

Brèves de Musée- 50 haïkus pour 50 chefs-d'oeuvre Daniel Dezeuze

Daniel Dezeuze, Brèves de Musée - 50 haï­kus pour 50 chefs-d’œuvre, Edi­tions Méri­dianes, coll. qua­drant/Le Musée Fabre : visite gui­dée, Mont­pel­lier, 2015, 112 p. — 14,00 €.







                              Au bord du musée/Au bar du musée


 Daniel Dezeuze est artiste mais aussi poète. Il pratique l’art de l’ellipse avec la connaissance de l’histoire des arts au travers de cette écriture brève et lumineuse connue sous le nom de haïku. Ici 50 œuvres lui inspirent 50 haïkus. Pour mémoire, le haïku ne décrit pas les choses mais traduit un sentiment. Il travaille sur les notions de fluidité et de rapidité, respectant la contrainte des trois lignes et les rythmant sur le principe d’un nombre de pieds de type 5/7/5. Se servant d’une large sélection d’œuvres du Musée Fabre à Montpellier, allant de Pietro Campaña (16ème siècle) à Simon Hantaï (20ème siècle), l’auteur opte pour une transposition poétique, non pas occidentale dans la tradition baudelairienne mais asiatique dans le cadre d’une approche poétique à la japonaise.
  Face à l’œuvre et aux discours qui l’accompagnent, le poète choisit le parti pris de la légèreté. Ici point de nouveaux textes qui rejoindraient d’autres plus anciens jusqu’à obtenir cette «épaisseur », au demeurant fort instructive. Le savoir demeure ici en arrière-plan, laissant la place à une émotion cultivée. Prenons par exemple L’Ange Gabriel de Francisco de Zurbarán et son haïku :

« Voilure réduite
Toile de parachute
Ange délicat. »

  Il est bien question du sujet d’une peinture célèbre datant des années 1631-32 mais grâce à l’utilisation d’une pointe humoristique, Dezeuze nous entraîne vers l’époque contemporaine avec ce parachute. Cette distorsion temporelle se double alors d’une forte évocation visuelle puisque le vêtement de l’ange se trouve indirectement comparé aux plis de l’instrument nécessaire au saut dans le vide.  Le drapé du 17ème siècle retrouve ainsi toute sa pertinence face à la réalité de l’encombrement de cette étoffe salvatrice. Pourtant le début du haïku nous entraînait vers une vision plus maritime avec la « voilure ». On imagine l’action de réduire les voiles pour résoudre un souci lié aux flots ou aux nuages. Enfin l’adjectif « délicat » nous remet sur le chemin d’une certaine esthétique où la joliesse le dispute à la grâce. La peinture se retrouve à nouveau située dans son époque mais le regardeur demeure contemporain, entre maniérisme et projection imaginative.
  Enfin évoquons le génie du lieu qui accompagne cette poésie en action avec la présence incroyable du « Bar du Musée » à côté dudit musée précité. Pour le poète fatigué, une halte possible où de nouvelles brèves pourraient naître, fidèles à l’esprit, certes revisité, de Shiki Masaoka.


Christian Skimao


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